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dimanche 3 mai 2015

Bonne analyse de Vincent Coussedière ! À ceci près que le problème est encore plus profond (et plus ancien) que ne le croit l'auteur qui rêve beaucoup (à une République idéale qui, en France, n'a jamais existé).


 
 "Le FN forme en réalité un système avec les partis qu'on dit à tort «républicains» alors qu'ils sont de purs simulacres, de simples écuries présidentielles ayant réussi à vider le débat politique de tout contenu, en détournant l'attention des Français vers un péril imaginaire, à chaque fois que de véritables choix politiques étaient nécessaires. Ces partis sont en réalité des factions, c'est-à-dire non des partis au sens de la partie au service du tout, poursuivant un véritable projet politique, mais des partis inféodés à l'ambition d'un homme ou de quelques-uns. Les divisions qui structurent le système des partis ne sont plus des divisions politiques, mais des divisions quant à la possession des places et l'obtention du pouvoir personnel. Le système des partis est ainsi devenu un système des factions -selon la fameuse distinction de Burke- incapable d'exprimer une véritable politique, et ne servant plus que des ambitions personnelles. (...) Pour sortir de l'impasse dans laquelle nous sommes, il ne suffira donc pas de choisir entre une voie FN et une voie prétendument républicaine. Cette alternative là est un leurre. Lorsque Marine Le Pen attaque le système UMPS, elle oublie qu'elle participe elle-même au dispositif qu'il faudrait appeler UMPS/FN. C'est l'enfermement des Français dans ce dispositif qui constitue l'impasse française. (...) L'arrivée au pouvoir du FN ne changerait ainsi fondamentalement rien à la donne, même si on peut penser que seule cette accession au pouvoir pourrait révéler aux Français la gravité de leur situation. En arrivant au pouvoir, le FN révélerait que l'altérité qu'il incarne est une pure illusion, créée par le dispositif qu'il alimente depuis l'origine. En réalité, le FN occupe dans le système des partis ayant détruit la République depuis les années 70 la même place qu'occupait l'union de la gauche avant 1981, et il y a fort à parier qu'il provoquerait, parvenu au pouvoir, la même brutale désillusion que le pouvoir socialiste en son temps.(...) On ne peut en effet prendre la mesure de l'extraordinaire hallucination provoquée par le FN dans la vie de ce pays si l'on ne réalise pas qu'elle est le symptôme d'un désir profond que tout change pour que rien ne change. Si le FN est effrayant, ce n'est pas par son extrémisme, mais par la névrose de répétition de la société française dont il est le symptôme. Il incarne l'aboutissement de la dépolitisation totale de la France depuis l'après-guerre, par-delà le sursaut gaullien. L'évolution du FN vers une sorte de socialisme national est, à cet égard, tout à fait révélatrice. Ce que le FN veut conserver, ce n'est pas la tradition républicaine redécouverte par De Gaulle, c'est L'État-Providence réservé au nationaux. L'Immigration et l'Europe, là dedans, ne sont qu'une variable d'ajustement au système des partis: Mitterrand, c'était l'État-Providence grâce à l'Immigration et à l'Europe, Marine Le Pen c'est l'État-Providence grâce à l'absence d'Immigration et d'Europe. Dans les deux cas, il faut tout changer pour que rien ne change, c'est-à-dire pour que se poursuive l'illusion d'une réalisation totale de l'individu à l'ombre d'un État tout puissant. Les Français, là dedans, continuent à être pris pour des enfants, et non pour un peuple capable de liberté."